Smells Like Green Spirit | Saburo Nagai | Boy's love IDP | 128 & 192 pages | 9782368776421 & 9782368776438

~ Synopsis~

Mishima est le personnage principal du manga. C'est un beau garçon ayant des traits jugés très féminins. Il apprécie le travestissement (il emprunte les vêtements et le maquillage de sa mère lorsqu'il est seul le soir). Et il se sait homosexuel, même s'il n'est pas prêt à le dire aux autres.  Quelques-uns de ses camarades de classe, dont Kirino, un joueur de l'équipe de foot, le harcèlent quotidiennement avec des brimades, des insultes homophobes, et des violences physiques. L'histoire commence par une scène de ijime, où Mishima est attaché et se fait couper les cheveux contre sa volonté. Quelques jours après, il surprend Kirino en train d'essayer un rouge à lèvres. Cette situation amène les deux garçons à faire vraiment connaissance...

TW : violence, homophobie, agression sexuelle

C'est un manga en deux tomes écrit/dessiné par Saburo Nagai en 2011. L'auteurice se présente comme un garçon dans son profil et dans les notes d'auteur de ses mangas. Smells Like Green Spirit est son premier manga traduit en français récemment, bien qu'iel en ait écrit d'autres. Voici sa fiche sur mangaupdates si vous voulez en savoir plus.

~Mon avis ~

Je m'attendais à un manga mettant en couple deux adolescents que tout oppose initialement... et bien non ! J'ai été très agréablement surprise quant au ton et au parti pris de Saburo Nagai. Pour résumer, son manga parle d'acceptation de soi, de coming-out, d'outing et d'homophobie au quotidien. Et comme je lis peu de Yaoi , ce ne sont pas des thématiques auxquelles je suis familière avec ce genre. Ce n'est pas un manga des plus "safe" (d'où les TW) mais les passages violents ne sont pas romancés/érotisés, au contraire, et c'est aussi ça l’intérêt de ce manga. C'était donc une bonne lecture, courte qui plus est puisqu'il n'y a que deux tomes.

L'histoire se passe en campagne plutôt qu'à Tokyo, et cela impact sur l'ambiance. Exit twitter, facebook et autres, il n'y a pas de médias sociaux. L'un des personnages illustre bien cette absence technologique puisqu'il n'a qu'une ligne fixe à son domicile. Les réseaux sociaux se résument au relationnel direct avec les gens (dont la famille), ainsi qu'aux commérages du voisinage. L 'histoire est complètement centrée autour d'adolescents avec essentiellement des dialogues soit de visu, soit dans le dos. Tout le monde connait tout le monde du fait que la communauté soit "petite". Et dès que quelqu'un se différencie des autres, ça se voit tout de suite. C'est le cas de Mishima où même les voisins commentent et jugent son apparence féminine.

Les personnages sont détaillés et profonds, avec des espérances et des attentes. Mishima fait d'abord penser à un personnage de type uke*, mais se révèle beaucoup plus que cela. S'il est prévenant et attachant, il assume son coté féminin, il l'entretien, et il est même content d'être pris pour une fille à un moment du manga (bien qu'il ne se désigne pas comme telle, il reste un garçon cisgenre et il est surtout heureux de se faire draguer par "des hommes"). Kirino, à l'inverse de Mishima, ne s'accepte pas du tout. Il se présente aux autres comme un garçon assez viril, sortant avec des filles, et s'en prenant initialement à Mishima pour cacher son homosexualité. Le sujet n'étant pas la romance, cela permet au manga de s'affranchir des stéréotypes du genre et d'offrir une oeuvre plus réaliste, avec des passages cruels comme les scènes de ijime, mais également des moments de tendresse, par exemple lorsque Kirino et Mishima parlent de maquillage :

Par le biais du prisme de l'homosexualité, Saburo Nagai réussit à aborder divers sujets. Justement la planche ci-dessus montrent des garçons qui aiment le maquillage, et surtout des garçons qui en parlent entre eux naturellement, en se montrant un mascara comme s'il s'agissait du Graal... c'était une bonne surprise ! 

La famille a également une importance. Les parents sont présents. Du moins, ils le sont suffisamment pour apparaître plusieurs fois dans les deux tomes et avoir une certaine influence sur leurs enfants. C'est un aspect que j'ai apprécié de lire car souvent - dans les mangas mais aussi séries/films - lorsque des histoires se focalisent sur des adolescents, les parents sont aux abonnés absents.

Coté dessins, les personnages sont bien faits et se distinguent facilement les uns des autres. Des mimiques (avec un chara design différent) ponctuent les planches et permettent d'augmenter la charge émotionnelle, que ce soit du fun, de la surprise, de la gène ou encore de la colère. Coté décor, c'est dommage qu'il n'y en ait pas plus... sachant que pour le peu qu'il y a, ils sont réussis :

***

Le manga n'est pas non plus exempt de défaut. Les personnages principaux sont au collège : ce sont donc des adolescents et ils ont maximum 14-15 ans. Or, dans la manière dont ils sont représentés/dessinés, ça ne se ressent pas car ils font beaucoup plus âgés. Le récit y perd un peu en crédibilité. Là où l'on peut nuancer c'est que ce choix permet au manga d'être émotionnellement moins dérangeant, et peut être évite la censure (compte-tenu de certaines scènes justifiant un des TW). J'ai également trouvé que le personnage de Mishima pardonnait/passait à autre chose un peu trop facilement. Il vit des choses difficiles, il est la victime de ses camarades, mais ceux-ci passent aisément du statut de bourreaux à celui de potes, sans grande remise en question. Même si cela permet d'avancer plus rapidement dans le manga, ça reste une facilité scénaristique. 

J'espère que vous avez aimé cette chronique. J'ai essayé de ne pas trop en dire afin de vous spoiler l'histoire au minimum. Si le manga vous tente, vous pouvez vous le procurer sur le site boy's-love.fr, ou via votre librairie.

(PS : Je vous conseille d'éviter de lire les quatrièmes de couverture, elles révèlent un peu trop l'histoire dans le résumé et dans les images/extraits dévoilés)

 Uke* = terme propre au Yaoi désignant le personnage pénétré, souvent d'aspect frêle, fragile, inexpérimenté, ou encore inférieur socialement (considéré comme celui qui "fait la fille/femme"). Pour plus d'informations, le Docteur Pralinus est une référence en Yaoi, cf l'une de ses vidéos sur le sujet : ici Yaoi Files #4