Au sein de la ville d'Avignon, en Juillet, se déroule l'un des plus importants festival de théâtre au monde, avec une partie dite “publique” et une partie plus alternative. Le festival officiel c’est le “IN”. Le directeur du festival, actuellement Olivier Py, décide de sa programmation. Les troupes y sont invitées, payées et bénéficient d'une large diffusion dans les médias, ce qui permet aux spectacles du IN d'être fréquemment joués à guichet fermé. Parallèlement a lieu un festival alternatif, le “OFF”. À la différence du IN les troupes du OFF doivent investir de l'argent pour se produire. Elles louent les salles et effectuent le travail de publicité autour de leur spectacle afin que ce dernier soit repéré par des directeurs de salles et des programmateurs. De nombreux théâtres apparaissent au centre-ville d'Avignon : certains sont de véritables salles de spectacle, mais beaucoup sont seulement des pièces réaménagées n'existant que le temps du festival. Le OFF offre un panel de plus de 1000 pièces de théâtre (cette année elles étaient au nombre de 1592 !) ce qui anime grandement le centre-ville d’Avignon : les murs sont placardés d’affiches, les acteur·ice·s eux-mêmes sillonnent dans les rues, alliant chant, musique, rire, pour solliciter les passant·e·s à venir découvrir leur spectacle.

Cela fait maintenant quatre années que je vais systématiquement au Festival d'Avignon OFF pendant 2 ou 3 jours. Cet été j’ai eu l’opportunité de découvrir 5 pièces, et comme les années précédentes, ce fut un régal.

 Site du Festival d'Avignon IN : https://www.festival-avignon.com/fr/

 Site du Festival d'Avignon OFF : https://www.avignonleoff.com/

~ 1ère pièce : APOLLINAIRE, Aurevoir, Adieu… par/avec Pierrette Dupoyet ~

1915. Madeleine Pagès, une jeune enseignante professeure de lettres, fait une rencontre dans un train. Entre Nice et Marseille, elle est assise à côté d’un soldat et échange avec lui le temps du trajet. Tandis qu'il quitte le train, elle accepte de lui donner son adresse. S’ensuit alors une liaison épistolaire. Au fond des tranchées, ce soldat, du nom de Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, plus connu sous son nom de poète Guillaume Apollinaire, va lui écrire de nombreuses lettres, d’abord courtoises puis de plus en plus enflammées jusqu'à la promesse d'un mariage … qui n'aura jamais lieu.

Dans une scène réaménagée en salle de classe, Pierrette Dupoyet partage toute une palette d’émotions au travers du regard de la jeune et ingénue Madeleine Pagès, qu’elle interprète : entre réminiscence de doux souvenirs, tendresse, et passion. Elle partage aussi des moments plus difficiles, guerre, blessures, morts, et perte d’êtres chers à nos yeux.

Toutes ses pièces sont excellentes. Pierrette Dupoyet réussit toujours avec brio à nous entraîner dans ses récits, en s'intéressant (et en nous intéressant) à la vie de différentes personnalités marquantes de l’histoire française, dont beaucoup de femmes. C'est elle qui écrit, met en scène et joue ses pièces (certaines sont même reprises par d'autres troupes de théâtre). Je la considère comme une figure emblématique du Festival d'Avignon puisqu'elle y participe depuis plus de 30 ans. C'est un festival qu'elle aime profondément et elle y est toujours très active (au moins deux spectacles différents par jour). Elle a écrit un livre à ce sujet : "30 ans au cœur du Festival d'Avignon" ,

« À Avignon, le rêve le plus fou peut se transformer en réalité, je l'ai vérifié »

Si vous voulez la découvrir, je vous invite à aller faire un tour sur son site internet : http://pierrette-dupoyet.com/ .

~ 2ème pièce : les 1001 vies des urgences ~

Un interne en médecine se prend d'affection pour la patiente de la chambre 7. Il décide de lui raconter des anecdotes de son quotidien à l'hôpital, dans l'espoir de la maintenir en vie jusqu'au retour de son fils, dont l'avion aurait été retardé.

Les 1001 vies des urgences nous plonge avec beaucoup de sensibilité dans la vie d'un hôpital, vie intense, entre un travail épuisant autant physiquement qu'émotionnellement, et le relationnel avec la patientèle et les autres membres du personnel. On y découvre le genre humain, dans son lot de drôlerie, de maladresse, de bonheur et de tristesse.

Après une - très - longue attente dans la file, sous un soleil de plomb (Juillet à Avignon, c'est caniculaire : hydratez-vous et n'hésitez pas à vous munir d'un chapeau, d'une ombrelle, d'un éventail), la pièce a été un véritable plaisir. Au delà de la climatisation salutaire de la salle, la représentation était excellente. Axel Auriant y était épatant dans son rôle d'interne. Il regardait, parlait et examinait avec une grande douceur la patiente de la chambre 7. Cette patiente était représentée par une marionnette qui devenait vivante par le jeu d'acteur. Puis... petit spoiler, Axel Auriant offrait, durant quelques courts instants, une démonstration de son talent de musicien (car en plus d'être bon acteur, c’est un musicien très doué).

Cette pièce est adaptée du livre de Baptiste Beaulieu "Alors voilà. Les 1001 vies des urgences", aux Éditions Fayard, qui existe également en bande dessinée avec Mermoux Dominique aux illustrations. Le spectacle est mis en scène par Arthur Jugnot. L'acteur, seul en scène, est Axel Auriant. C'est grâce à ce dernier que j'ai découvert l'existence de cette pièce (et du livre, ainsi que de la BD). Axel Auriant est connu pour son rôle de Lucas dans la série Skam France, en particulier la saison 3 où il excelle. L’année dernière, il participait déjà au festival d'Avignon, également seul en scène, dans la pièce "Une vie sur mesure" de Cédric Chapuis, mise en scène par Stéphane Batlle.

À Paris, le spectacle Les 1001 vies des urgences est actuellement à l'affiche au Théâtre des Béliers :   https://www.theatredesbeliersparisiens.com/Spectacle/les-1001-vies-des-urgences/

Les fiches livraddict du livre et de la bande dessinée

~ 3ème pièce : Looking for Beethoven ~

Un pianiste tente de décoder le mystère que représente Beethoven, musicien et compositeur de génie, au travers de ses 32 sonates.

C’est une autre façon de découvrir la musique classique, une expérience différente des concerts habituels où le·la pianiste salut/s’installe/joue/s’en va/ puis, lors des rappels, revient/rejoue/repart/revient encore… etc. Les spectacles avec Patrick Amoyel sont animés, attrayants, drôles en plus d’être musicalement fantastique. Il rend la musique classique d’autant plus abordable et intéressante qu’elle peut semblée désuète et/ou réservée à une classe aisée.

Looking for Beethoven est mis en scène par Christian Fromont. Patrick Amoyel est un pianiste de renommée internationale, également auteur, compositeur et acteur. Seul en scène, avec une grande sensibilité, pas mal d’humour, et surtout un prodigieux talent, Patrick Amoyel nous fait (re)découvrir Beethoven, sa vie, son oeuvre. Et c’est tout bonnement sublime!

Enfant, j'apprenais et jouais du piano. Mais je n'aimais pas les concerts autour de cet instrument, auxquels mes parents m'emmenaient. Aujourd'hui adulte, je ne les regrette pas, c'était une ouverture à une culture musicale et une découverte de lieux splendides comme le Parc du Château de Florans (pour le Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron). Je pense tout de même que j'aurais beaucoup aimé voir un spectacle comme Looking For Beethoven (et surement, que j'aurais été meilleur public et plus agréable pour mes parents).

Pour découvrir cette pièce, rendez vous au Théâtre Ranelagh : https://www.theatre-ranelagh.com/fr/saison-2019-2020/looking-for-beethoven .

~ 4ème pièce : Là où vont nos pères ~

Un père fait sa valise, laisse sa famille, et s’en va vers un pays complètement inconnu, à la recherche d’une vie différente, ‘espérement’ meilleure à offrir à sa femme et sa fille.

Cette pièce est une BD concert, tirée directement de la bande dessinée éponyme de Shaun Tan, et mise en scène par Antoine Asselineau et Florent Hermet. L’oeuvre est "muette" (pas dialogue ni de bulle), les différentes vignettes - voir planches entières - sont projetées sur un écran, nous dévoilant l’histoire tandis que le diaporama avance. Un nouveau pays se dévoile peu à peu. On découvre, en même temps que le personnage principal, une langue inconnue, des animaux étranges, des aliments mystérieux, et des bâtiments immenses aux formes géométriques sibyllines. Et à côté, Florent Hermet accompagne notre lecture, grâce au son de sa contrebasse, à la fois mélodieux, rythmé, et sensoriel. La bande dessinée, magnifique et onirique, offre une réflexion poignante sur l’immigration, l’exil, l’éloignement familial, et le malaise et la peur que représente le pays inconnu. La musique intensifie nos ressentis, en alchimie avec chaque dessin, et l’expérience en est d’autant plus intense et bouleversante.

Je connaissais cette bande dessinée de nom. @sitatoutcourt et @Strangebery l'avait proposée pour un mois de lecture au sein de leur club de BD ComicWhales, (club auquel je participais lorsqu'il était encore en activité). Là où vont nos pères n'avait pas été choisie comme lecture mensuelle mais je l'avais gardée en mémoire. Finalement, je ne suis pas déçue de l'avoir découverte dans ce spectacle de BD concert. C'était ma première expérience de lecture sous cette forme et j'ai adoré ! Par la suite une personne chère à mon cœur, ma mère, qui a vu la pièce avec moi, m'a offert la version papier. Je conserve en tête le son de Florent Hermet, à chaque fois que je regarde mon exemplaire de cette BD, et c'est un beau (et précieux) souvenir qui refait surface en moi.

Pour en savoir plus : https://laouvontnosperes.jimdo.com et la fiche livraddict de la BD .

~ 5ème pièce : Un songe d’une nuit d’été ~

Dans une forêt enchantée, la Reine des fées Titania et son époux le roi Obéron, se disputent. Lorsque que quatre jeunes athénien·e·s, Lysandre, Héléna, Démétrius et Hermia, en pleine fuite amoureuse, y pénètrent, iels se retrouvent en pleine bisbille féerique et subissent les frasques du petit peuple.

Ce spectacle, mis en scène par Antoine Herbez, est un semi-opéra adapté de la pièce Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, sur des airs de la version d’Henri Purcell. Une troupe de dix comédiens s’animent sur scène, entre féerie, comédie amoureuse burlesque, et chants. L’histoire est rondement menée : bien jouée, ponctuée de chants ainsi que de scènes d’action mélangeant courses poursuite (façon je te fuis/tu me fuis/je te cherche/tu me cherches) et combats mimés exaltants. Puis les costumes, en particulier ceux de la royauté féerique, sont superbes. C’est un spectacle digne de son sujet : enchantant.

Le site internet dédié à ce spectacle : https://www.compagnie-ah.com/un-songe-d-une-nuit-d-ete

~ Crédits ~ 

Header : affiche 2019 du Festival d'Avignon OFF