L'École des soignantes | Martin Winckler | Editions P.O.L | 512 pages | 9782818045381

~ L'histoire ~

2039. Hannah Mitzvah quitte sa lucrative activité de codage informatique et émigre à Tourmens (ville de France qui apparaît déjà dans tous les romans de Martin Winckler) pour se former au soin. Là, on ne soigne pas comme ailleurs : dès 2022, un mouvement féministe transforme le CHU en école expérimentale et révolutionne l’apprentissage du soin, concentre ses efforts sur l’accueil bienveillant, la formation de professionnelles de santé empathiques et une approche globale des personnes. La médecine qu’on pratique est centrée avant tout sur la santé des femmes.
(source : les éditions P.O.L)

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~ Mon avis ~
(avec léger spoiler)

J'ai découvert Le Chœur des femmes (précédent L'École des soignantes) l'année dernière. Cette ouvrage a été une grande découverte et un véritable coup de cœur. J'ai déjà écrit un article de blog à ce sujet : ici (si cela vous intéresse). Je vous recommande ce livre qui offre un superbe témoignage de ce qu'est et de ce que devrait être la gynécologie de nos jours, avec à la fois un regard de professionnel·le de santé mais aussi de patient·e. Il permet également de mieux appréhender L'École des soignantes à la fois dans son fond, ses personnages et sa forme. Les deux livres sont très oraux, avec beaucoup de dialogues, et des chapitres courts très poétiques ponctuant l'histoire principale. La notion de chant est importante pour Martin Winckler. Dans une interview pour Mediapart il dit : "...ces femmes (patientes), quand elles viennent raconter leur histoire, si on les écoute, ça prend l'accent d'une sorte de mélopée à la fois individuelle et collective" d'où le titre du Chœur des femmes. Et cette thématique autour du chant persiste dans L'École des soignantes, sous une autre forme mais dans une belle continuité.

L'École des soignantes diffère dans le sens où elle prend place dans le futur. Le contexte du CHU de Tourmens a bien changé : la structure de soins est désormais connue sous le nom d'École des soignantes ou CHHT (Centre Hospitalier Holistique de Tourmens), qui a pour mission une approche communautaire des soins, sans hiérarchie classiste et sexiste. Tous les termes désignant le personnel du centre sont accordés au féminin. Des nouvelles professions soignantes (soignantes pro, panseuses, officiantes) remplacent les anciennes (aide-soignantes, infirmières, internes, médecins). Les demandes de soins concernent principalement les femmes (les soignées). Tout est fait pour qu'elles se sentent écoutées, respectées, et elles participent activement à leur parcours de soins.

Martin Winckler propose une histoire clairement SF, genre fictionnel auquel je ne m'attendais pas du tout puisque je n'avais pas lu le synopsis avant d'acheter le livre, y compris à sa réception. C'était une sacré surprise ! Lorsque j'ai commencé ma lecture, du fait de la féminisation des mots employés, je me suis perdue sur les 30 premières pages. Je pense que je n'ai pas été la seule, car (à l'heure où j'écris cet article) le livre est délicieusement noté d'une étoile (sur 5)  sur un site de vente en ligne avec un commentaire d'incompréhension. A partir de la 31ème page, la structure du CHHT est complètement expliquée, et la démarche de féminisation prend tout son sens. Ce roman est une histoire de plusieurs vies, avec leurs hauts et leurs bas. Les personnages sont tous très bienveillants, et l'ensemble donne beaucoup de baume au cœur. Le propos est complètement anti-patriarcale (même s'il est écrit par un homme), et évidemment offre une vision du soin totalement féministe et respectueuse. A l'instar du Chœur des femmes, j'aimerais que ce genre de structure existe réellement pour nous prendre en charge.

Si l'auteur fait pas mal de références à des actualités (mais aussi à des œuvres littéraires féministes), le coté SF change "l'impact" du propos. Le Chœur des femmes est beaucoup plus ancré dans la réalité. J'y ai découvert plus de choses que dans L'École des soignantes. Dans Le Chœur des femmes, nous apprenons et évoluons en même temps que Jean Atwood (jeune, ambitieuse, et pleine de préjugées, elle est exécrable dans les premières pages). Par contre, dans L'École des soignantes, Hannah est tout le contraire de Jean, et 'murit' sans changer de personnalité. Coté médecine gynécologique, Le Chœur des femmes abordent des sujets assez méconnus du public ainsi que des professionnels de santé (la position en décubitus latéral pour les examens gynéco/les frottis, la pause des DIU au cuivre en tant que contraception d'urgence, la chirurgie problématique des enfants nées intersexes). Dans L'École des soignantes,  c'est un aspect que nous retrouvons moins et qui m'a un peu manqué. Par contre, si le ton du livre est très positif, la présence du deuil revêt une part importante de l'histoire. Les personnages principaux y font face, ainsi qu'à leur propre vieillesse (Jean Atwood a le double de son âge par rapport au Chœur des femmes). C'est un sujet sur lequel je suis assez sensible et quelques passages m'ont un peu donné le cafard. J'ai eu - sur ces moments - du mal à tenir ma lecture.  L'Accompagnement à la Fin de Vie (AVF) est également abordé, et c'est une partie à la fois intéressante et émouvante.

***

Pour conclure, je n'ai pas eu le coup de cœur ressenti avec Le Chœur des femmes. Cependant, L'École des soignantes reste une excellente lecture, une bonne suite et j'ai passé un très bon moment. J'ai apprécié la bienveillance et les messages véhiculés. Maintenant il ne me reste plus qu'à lire les préquelles dans ma PAL : La Vacation, La Maladie de Sachs, et En souvenir d'André.